Il ne se passe pas un jour sans que les candidats aux élections municipales n’annoncent des projets de piétonisation. Tantôt aux abords des écoles, tantôt des rues entières, tantôt des arrondissements entiers. Ainsi, si Anne Hidalgo est élue, les 4 anciens arrondissements du centre de PARIS et le Canal Saint-Martin seront rendus piétons, avec des conséquences sur le 11e arrondissement voisin, sur lesquelles nous reviendrons

Alors, évidemment et spontanément on peut se dire « la piétonisation c’est super ! » Devant de telles promesses, chacun peut se projeter et espérer que cela soit piétonnisé devant chez lui lors de la prochaine mandature.
Mais soyons lucides. Il ne s’agit pas tant d’apaiser l’espace public ou de favoriser la place des piétons, que de lutter contre le trafic automobile. L’objectif premier est de « libérer Paris de la voiture » comme dirait David Belliard, candidat écologiste. Il suffit d’ailleurs de lire le rapport accablant de l’Inspection de la ville de Paris sur la gestion des terrasses, qui sont le problème numéro 1 dans notre quartier. Jamais l’espace public n’a été à ce point privatisé et sur-occupé.

La circulation ne va pas s’évaporer. Elle va se reporter sur les rues avoisinantes et parfois sur des rues moins adaptées pour accueillir un surcroit de trafic automobile, soit parce que la pollution y est déjà importante, soit parce qu’elles sont étroites. Ces projets de piétonisation ne feront pas que des gagnants, il y aura donc des perdants et des victimes.

On se rappelle d’ailleurs assez bien de l’opposition des habitants du quartier devant le projet de piétonisation partielle du boulevard de Belleville. Ce sont les secteurs les plus pauvres ou les plus pollués du quartier qui auraient été victimes du report. Ceux qui prennent le bus 89 auront pu également mesure l’impact de la piétonisation des berges de seine sur les quais hauts : des bouchons, toujours plus de bouchons. Parfois, un simple changement de sens de la circulation dans une rue suffit à pourrir la vie des riverains des rues avoisinantes comme ce fut le cas rue des Maronites, après la suppression d’un sens de circulation sur la rue de Ménilmontant.

Penser que les futurs élus vont veiller à limiter les reports ou à les rendre soutenables est selon nous une vue de l’esprit. Ce n’est pas leur intérêt. En piétonnisant, on reporte augmente la circulation sur les riverains des rues avoisinantes, qui à leur tour qui vont réclamer le départ des voitures, et ainsi de suite, par capillarité, jusqu’à éradication complète de la bagnole. En rendant la situation insupportable, on augmente le rejet social de la voiture et l’on gagne de nouveaux militants de la lutte contre les voitures. C’est un vieux principe : inoculer le mal est reste le meilleur moyen de développer des défenses naturelles.
Le Journal Le Parisien le montre très bien. La réduction de l’espace de la voiture ne signifie pas baisse de la pollution et moins de bouchons.
Ces promesses de piétonisation posent également la question des critères d’identification des rares rues concernées. L’expérience nous montre que ce sont surtout les habitants les plus influents auprès de la Mairie, les plus mobilisés qui remportent la mise dans les projets d’aménagement, au détriment des sans-voix et des moins informés.
Rien n’indique donc que ces choix seront justes, ne serait-ce que socialement, ni même concertés. Mais les élus concernés auront beau jeu de dire « c’était dans notre programme », phrase très souvent entendue, oubliant au passage qu’ils s’étaient bien gardés de dire où et quelles en seraient les conséquences pour les autres rues des quartiers ou arrondissements voisins.
Un marché de dupe qui peut parfois se retourner contre les riverains des rues piétonnisées.
Y compris pour les rues piétonnisées, l’apaisement n’est pas toujours au rendez-vous. Il suffit de regarder ce qui se passe aux Halles ou rue Montorgueil faute de volonté de la ville de faire respecter leur caractère piétons.

Et s’il fallait choisir une rue dans le 11E arrondissement à piétonniser personne peut sérieusement penser que cela sera dans notre quartier. Piétonniser les rues Oberkampf, Saint-Maur ou Jean-Pierre Timbaud et ce sont aussi les clients des bars qui déferleront sur la chaussée au milieu de la nuit. Piétonniser la rue Faubourg du Temple et c’est la prostitution qui s’étendrait sur la chaussée. Piétonniser les rues de l’Orillon ou Louis Bonnet c’est offrir un cadre idéal et apaisé aux dealeurs.
Enfin, quand cela marche et que l’on parvient à apaiser la rue et y éviter que d’autres nuisances prennent le relais, on créera un effet d’aubaine massif pour les propriétaires des immeubles de la rue concernée. On peut dès lors légitimement se demander au nom de quel principe et de quelle justice, on revaloriserait ainsi des biens immobiliers, déjà hors de prix, aux frais du contribuable. Est-ce d’ailleurs le rôle d’une collectivité territoriale de favoriser la spéculation ?

En conclusion, et on le voit, ce type de promesse est politiquement très habile, car chacun peut espérer le temps de la campagne que ce sera devant chez lui. En pratique, chacun aura moins de 1% de chance de voir ce rêve devenir réalité et au moins autant de chances d’en faire les frais.